Construire une approche stratégique pour cibler un marché international du vin

La première étape consiste à cartographier les opportunités à l’échelle globale. L’analyse macro-économique permet de hiérarchiser les marchés selon leur potentiel en volume, en valeur, leur croissance et leurs spécificités de consommation.

• Chiffres clés à connaître : En 2022, les principaux importateurs mondiaux de vin (en valeur) étaient les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Chine et le Canada (Source : OIV).
• Tendances structurelles : Les marchés matures (ex. : Europe de l’Ouest) progressent moins vite que les marchés émergents (Asie du Sud-Est, Afrique subsaharienne), mais disposent d’un pouvoir d’achat plus stable et d’une tradition d’importation structurée.
• Mégatendances : Croissance des vins effervescents dans les pays anglo-saxons, localisme accru en Scandinavie, émergence des catégories premium en Chine, expansion de l’e-commerce dans l’ensemble des BRICS.

Utiliser des ressources comme les bilans OIV, Statista, Wine Intelligence, ou encore les publications de l’OCDE permet d’avoir une vue quantitative et qualitative à jour. À ce stade, il est pertinent de réaliser une présélection de pays-cibles sur la base des chiffres et d’une analyse SWOT (forces, faiblesses, opportunités, menaces).

Comprendre la structure du marché local est fondamental : profil des consommateurs, espaces de consommation (en GMS, CHR, cavistes, e-commerce), fréquence, panier moyen, occasions, types de vins privilégiés. Cette étape permet d’adapter le positionnement produit et l’offre.

• Exemple : Le vin rouge représente encore 80 % de la consommation en Chine, là où la demande pour les rosés explose au Royaume-Uni depuis 2020 (IWSR 2023).
• Publics cibles : Millennials urbains au Canada, exportations classées AOC premium pour le Japon, vins bios et natures en Scandinavie.
• Circuit de distribution dominant : Par exemple, en Corée du Sud, l’e-commerce a pris le pas sur les cavistes traditionnels, représente désormais plus de 40 % des ventes de vin importé (Korean Customs Service, 2022).

Certaines catégories peuvent sembler anecdotiques vu de la France mais constituent des niches à fort potentiel à l’export (vin en canettes aux US, sans alcool au Canada, étiquettes « sans sulfites » au Royaume-Uni, etc.).

L’observation des concurrents directs permet de s’assurer que son offre ne se noie pas dans un océan de produits analogues ou sur-segmentés.

1. Repérer les acteurs majeurs : Qui sont les leaders en volume et en valeur (autres exportateurs étrangers, producteurs locaux) ? Quelles sont leurs gammes de prix, leur stratégie marketing et leur notoriété ?
2. Positionnement : Les grands concurrents des vins français sur les marchés américain et britannique sont par exemple l’Italie, l’Espagne, mais aussi le Chili ou l’Australie, positionnés sur le rapport qualité/prix ou l’innovation packaging.
3. Analyse différenciante : Travailler sur l’origine, les labels (bio, HVE), le storytelling, ou le mode de distribution (direct-to-consumer, abonnement, ventes privées).

Affiner sa proposition de valeur passe par l’étude des tendances locales mais aussi par la capacité à créer une histoire ou un univers cohérent avec ce que recherche l’importateur/distributeur final.

Les barrières réglementaires et les contraintes logistiques figurent parmi les principales causes d’échec ou de surcoût à l’export. Chaque marché possède ses propres normes :

• Normes d’étiquetage (langue obligatoire, mentions légales, allergènes, pictogrammes spécifiques, etc.)
• Procédures d’enregistrement produit (ex : Système d’Importation d’Alcool en Chine ou TTB aux États-Unis)
• Taxation, droits de douane, accises et politique tarifaire : par exemple, dès 2023, l’Inde pratique des droits de douane supérieurs à 150 % sur certains vins étrangers.
• Restrictions logistiques : températures sous douane, contraintes de transport réfrigéré (au Moyen-Orient notamment), réglementation sur les importations de vin en vrac/vin conditionné.

Pour un premier envoi, il peut être pertinent de recourir à un transitaire spécialisé ou de consulter la fiche-pays publiée par Business France ou la Fédération des Exportateurs de Vins & Spiritueux de France (FEVS). Anticiper les coûts et délais logistiques s’avère impératif dans la construction du prix export (incoterms, devises, assurances, choix du mode de transport).

L’adaptation du produit passe par des modifications qui peuvent sembler anecdotiques… sauf à l’export. La couleur de l’étiquette, le format des bouteilles (0,75L, 0,375L, format Bag-in-Box), la capsule à vis (préférée en Australie, obligatoire en Scandinavie dans certains cas), tout se paramètre.

• Tarif export : Tenir compte des marges distributeur, taxes, coûts logistiques. Exemple : sur le marché américain, il est courant de multiplier par quatre le prix départ propriété pour obtenir le prix au détail.
• Marketing localisé : Brochures, fiches techniques, site Internet ou supports adaptés à la langue et à la culture (même l’ordre des informations ou la terminologie peuvent influencer la crédibilité). Bonnes pratiques : campagnes social media sur WeChat en Chine, présence sur Vivino pour les marchés nordiques.
• Certifications : Les labels (bio, vegan, Fairtrade) deviennent des critères d’achat de plus en plus différenciants selon les marchés.

Le choix du positionnement (premium, mass market, niche) doit être cohérent à la fois avec le potentiel du marché cible et les ressources allouées à la conquête.

La réussite sur un marché étranger dépend de la stratégie de distribution. Connaître et sélectionner les canaux adaptés réduit le risque de dispersion des efforts commerciaux.

1. Distributeurs/importateurs traditionnels : Solution la plus courante et sécurisante pour un premier export, notamment dans les pays réglementés ou monopoles (ex : Canada, Suède, Norvège).
2. E-commerce et marketplaces : Forte croissance, notamment en Asie et dans les pays anglo-saxons. Exemples : Tmall, JD Wine, Amazon, Vivino.
3. Vente directe aux restaurateurs/hôteliers : Intéressante pour les gammes premium ou les petits volumes.
4. Participation à des salons professionnels : ProWein, Vinexpo, London Wine Fair, souvent étape clé pour nouer un premier contact ou prendre le pouls d’un marché.

Garder à l’esprit que chaque circuit a ses codes, ses marges, son rythme de paiement et ses risques – il est conseillé de diversifier dès que possible et de toujours contractualiser (contrat de distribution, CGV export).

La prospection internationale exige méthode, cohérence et persistance. Il s’agit d’identifier les bons interlocuteurs, de maintenir le contact et de suivre l’évolution des attentes et enjeux des partenaires locaux.

• Campagnes d’emailings personnalisés, avec supports techniques en langue locale.
• Démarchage via des plateformes spécialisées (Wine-Searcher, Alibaba, Seekvino…)
• Entretien d’un réseau de prescripteurs : sommeliers, influenceurs vin, journalistes spécialisés.
• Mise en place d’opérations de dégustation in situ quand cela est possible/significatif.

Selon Wine Intelligence (2023), le ratio de succès de la première prospection internationale tourne autour de 10 à 15 %. La démarche doit donc être calibrée pour construire une base de contacts solide, structurée, avec traçabilité (CRM, suivi de relances).

Les marchés sont intrinsèquement mouvants, exposés à des facteurs exogènes comme les politiques douanières (guerre commerciale États-Unis/Europe en 2019), les pandémies (Covid-19), ou encore les évolutions de consommation (essor du sans alcool, poids croissant des femmes sur certains marchés, montée de la consommation responsable).

Un exportateur agile saura tirer parti de ces changements par des ajustements rapides : lancement d’une nouvelle gamme, adaptation du message marketing, gestion dynamique des stocks, recours à la data pour détecter de nouveaux signaux faibles.

Cibler un marché international du vin ne s’improvise pas. La démarche passe par une analyse fine des opportunités globales, la compréhension profonde des consommateurs, un calcul précis de la rentabilité, mais aussi la capacité à construire et adapter son offre. Chaque étape – du choix du pays à la sélection du partenaire, de l’adaptation produit à la stratégie de prospection – structure le potentiel de réussite export.

Les professionnels doivent constamment associer appétence produit, méthode et savoir-faire réglementaire pour déjouer les pièges locaux et transformer l’exploration de nouveaux marchés en création de valeur durable. Savoir cibler, c'est savoir anticiper… mais aussi ajuster sans cesse son cap, à la lumière des tendances et des attentes internationales.

Sources : Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV), Wine Intelligence, Business France, FEVS, IWSR, Korean Customs Service.