Hiérarchiser les marchés, c’est sortir du flou et convertir un foisonnement d’informations en une prise de décision structurée, fondée sur des critères pertinents et pondérés. La méthode la plus répandue et reconnue dans le secteur du vin, comme dans d’autres filières export, se fonde sur trois piliers :
- Analyse du potentiel marché (quantitatif et qualitatif)
- Évaluation de la facilité d’accès et des barrières à l’entrée
- Pondération selon l’adéquation avec l’offre et la capacité de l’entreprise
1. Analyse du potentiel marché : où est la croissance ?
L’étude du potentiel marché porte sur deux grands axes : la taille du marché et sa dynamique. Cela signifie croiser les données globales de consommation et d’importation, mais aussi s’assurer que le segment ciblé (appellations, prix, couleur, conditionnement) est en croissance dans ce pays.
- Taille du marché : que pèsent les importations de vins (en volume et valeur) dans le pays cible ? Où se situe le vin français par rapport à la concurrence étrangère ? Exemple : en 2023, la Chine reste le 6ème importateur mondial, mais la consommation y a diminué de 8% (OIV, 2024).
- Dynamique : quelles sont les évolutions à 3 ou 5 ans ? La hausse de l’import au Vietnam a été de +173% en valeur entre 2014 et 2021 (Les Echos), mais pour certains segments seulement.
- Structure du marché : la préférence pour certaines couleurs, méthodes de distribution (on-trade/off-trade), gamme de prix… Par exemple, aux USA, la progression a été portée par les vins au-dessus de 15$ la bouteille (Wine Intelligence).
Les bases de données telles que celles de l’OIV, de la FEVS, ou d’Euromonitor (payant) sont précieuses pour collecter ces chiffres. Il peut être judicieux d’établir un tableau de synthèse croisant ces critères sur les 5-8 marchés présélectionnés.
2. Barrières à l’entrée et coût d’accès : l’indispensable filtre
Le potentiel brut n’est jamais suffisant : la réalité des coûts, de la réglementation et de la distribution dicte souvent le classement final. Voici les critères secondaires qui font basculer la balance :
- Barrières réglementaires : quotas, droits de douane (parfois élevés - 50% en Inde hors accords bilatéraux !), exigences documentaires, taxes spécifiques sur l’alcool, étiquetage, etc.
- Coût logistique : Accessibilité du pays, fréquence maritime, solutions de groupage. Exemple : l’Afrique subsaharienne implique souvent des surcoûts maritimes et douaniers imprévus.
- Complexité administrative : Procédures d’homologation, nécessité de partenaires locaux pour l’enregistrement, etc. Noter qu’au Brésil, l’enregistrement d’un vin peut prendre plusieurs mois (Business France).
- Pays à surveiller : Sanctions économiques ou instabilité, comme en Russie ou en Algérie, où les conditions d’importation évoluent fréquemment.
Bonnes pratiques : attribuer à chaque critère une note (par exemple de 1 à 5) et un coefficient selon leur importance relative dans le business model.
3. Pondérer selon les forces de l’offre et la capacité à s’adapter
Tous les marchés ne se valent pas pour tous les opérateurs. Il s’agit d’intégrer :
- Ressources internes : capacité d’investissement commercial, stocks disponibles, capacité à adapter l’offre (packaging obligatoire, langue sur l’étiquette, etc.)
- Compatibilité produit/marché : Certains marchés sont très portés sur des certifications (BIO, IG) ; d’autres sur le storytelling ou la praticité (bag-in-box en Scandinavie, par exemple).
- Historique de l’entreprise dans la zone : Un réseau ou une première expérience facilitent l’entrée, réduisant temps et coûts de prospection.
Ce filtrage affine le classement final. Un marché attractif mais trop coûteux à pénétrer pour l’entreprise, ou nécessitant une transformation profonde du produit, passera au second plan.